UN MONDE NOUVEAU « LAUDATO SI » OSONS UNE ÉCOLOGIE INTÉGRALE !
Conférence de S.E. Mgr Sanchez SORONDO,Chancelier de l’Académie Pontificale des Sciences, Vatican
Mardi 12 janvier 2016 – LLN (Auditoire Socrate 10)
Avec enthousiasme, devant un auditoire plein (près de 600 personnes), le Recteur de l’UCL, Monsieur Vincent Blondel, fut le premier à prendre la parole. Après avoir chaleureusement salué tous les intervenants, il accueillit Monseigneur De Kesel (le nouvel Archevêque Malines-Bruxelles) en rappelant que celui-ci était également Grand Chancelier UCL. C’est dans la ligne et l’histoire de l’UCL (depuis sa fondation) qu’il plaça l’événement de cette soirée : une invitation à un nouveau dialogue, par un retour à la simplicité et la sobriété.
L’Archevêque Monseigneur Jozef De Kesel assura ensuite la présentation de Monseigneur Sanchez Sorondo (*) par une courte biographie, suivie d’un condensé de l’encyclique papale tout vibrant de l’esprit qui l’habite et l’anime.
Si le Pape François cible clairement le danger de « la globalisation de l’indifférence », il appelle, avec autant de fermeté, à une nouvelle solidarité universelle, « pour toute la famille humaine ».
L’Encyclique ‘Laudato Si’ est traversée, en continu, par la conviction que « tout est lié » et que les grands problèmes mondiaux actuels sont à résoudre tous ensemble. Bref : il n’y a pas d’écologie sans anthropologie ! En posant ainsi la problématique écologique au niveau de ses racines (et pas seulement de ses symptômes !), la démarche du Pape intègre les problèmes sociaux et sociétaux et les éclaire de l’engagement de la Foi. Rejetant toute position despotique, celle-ci invite au plus grand respect pour la Création et pour tout ce qui existe sur terre : tous les humains, et chaque personne en particulier.
Devant un auditoire silencieux et attentif, Monseigneur Sorondo prit la parole pour son exposé (d’une petite demi-heure) qu’il débuta par un hommage à l’UCL. Il rendit honneur à l’Université, et particulièrement à son haut degré de développement au niveau des Sciences, tout en maintenant ferme son ancrage chrétien : un « modèle » d’institution universitaire, à ses yeux.
La vaste présentation du contenu de l’Encyclique papale ‘Laudato Si’, par Monseigneur Sorondo, fut agrémenté de nombreuses citations et références.
Le fondement de la pensée sociale de l’Église se trouve concentré dans le chapitre 5 de l’Évangile de Saint Matthieu, et principalement dans le texte des Béatitudes (Mt 5, 3-12). Si tout ce qui est créé est la révélation de Dieu, les êtres humains sont appelés à vivre dans un habitat sain et beau ; ils sont appelés à harmoniser leurs relations dans le dialogue (et non les conflits) par le développement et le don de leur créativité personnelle. Car chaque créature reçoit une fonction spécifique dans la tendresse du Père céleste.
S’inspirant de la pensée de Saint Thomas d’Aquin, l’orateur rappelle que la Parole créatrice inscrit, dans toute chose créée, l’Amour de Dieu et la liberté qui permettent l’émergence du chaos.
La théologie de la transcendance et de l’immanence de Dieu (Teilhard de Chardin) invite, quant à elle, le retour à Dieu de toute la Création, comme œuvre achevée de son Amour.
Les Sciences soutiennent les progrès les plus audacieux tandis que la philosophie moderne interroge la « violence du propriétaire » : pourquoi l’Homme détruit-il son patrimoine ?
Le climat, bien commun de tous et pour tous, est en péril : la conscience scientifique (mondiale) du phénomène du réchauffement climatique a cerné les facteurs qui y concourent. Les recherches en chimie et en biodiversité ont mis en évidence les cercles vicieux qui créent de nouvelles problématiques de santé et fragilisent la situation des plus pauvres (tant les pays que les personnes).
Les conséquences de ces phénomènes sont les plus désastreuses pour ceux qui y ont le moins contribué: émergent de nouvelles formes d’esclavage de l’humanité, menacée dans son existence, et menaçant la dignité et la liberté des fragilisés. L’Évêque Desmond Tutu plaide également pour une approche globale : écouter tant les clameurs de la terre que les clameurs des pauvres.
Ce constat alarmant ne peut cependant pas nous décourager car « nous sommes dans les délais pour résoudre les problèmes ». Les positions du magistère de l’Église et celles de « l’esprit du monde » sont en synergie, surtout depuis la Rencontre de Paris en décembre dernier (la COP21).
La destination commune des biens de la Terre exige une participation de tous, par des lois communes (pour tous les leaders) et un changement dans l’esprit de la culture politique libérale, comme l’avait déjà souligné Monseigneur Ratzinger (avant d’être élu Pape). Il revient aux pays riches d’ « incarner » les Béatitudes.
La longue conférence de Monseigneur Sorondo fut suivie de deux courtes interventions (par de jeunes doctorants de l’UCL), avant que la parole ne soit largement accordée au public et aux autres orateurs invités.
Charlotte Luyckx (du Centre de Philosophie des Sciences et Société) insista sur l’importance d’une lecture globale de l’écologie. Le texte du pape François est bien documenté au niveau scientifique et, par son insistance sur les implications sociétales, il fait preuve de courage, surtout face aux résistances à agir. Il appelle à concilier l’engagement dans le monde avec la transformation intérieure. Car la mutation sociétale à venir comporte un aspect crucial : elle est à la fois une crise écologique et, tout autant, une crise de sens, une crise spirituelle.
Olivier Vermeulen (ingénieur civil de formation et qui fut représentant des jeunes à l’ONU) promeut l’abandon du pétrole ainsi qu’une décroissance choisie pour affronter la pauvreté dans le monde : « une croissance juste est possible pour 95 % des habitants de la planète si la décroissance des plus riches s’opère ». Résoudre les inégalités exige de sortir de nos espaces de confort et de nos peurs, et choisir librement une réduction consumériste.
Les questions posées par le public furent des plus vastes : « Qu’en est-il de l’Église et son ‘universalité’ ? » ; « Que devient la notion de ‘progrès’ : les deux conceptions (opposées) sont-elles analysées dans l’Encyclique ? » ; « Pour changer les comportements consuméristes, les responsables politiques et commerciaux ne devraient-ils pas changer la nature de ‘l’offre’ (soit : le défi éducatif) ? » ; « L’option consumériste est aussi présente dans le concept du ‘développement durable’ : comment réaliser des objectifs nouveaux avec de telles contradictions ? » ; « Donner plus de pouvoir aux femmes : cela peut aider ! » ; « Riches et pauvres : d’abord ‘redistribuer’ les richesses’ » ; « Ne pas sous-estimer l’importance des ‘entrepreneurs’ qui font avancer la situation ! ».
Prenant la parole après ce riche échange de l’auditoire avec Monseigneur Sorondo (lui-même quelque peu ‘étonné’ de la qualité et de la profondeur des interventions), Carl Van Doorne présenta les autres personnalités invitées au débat et leur demanda de partager leurs réactions et de conclure la soirée.
Le Professeur Madame Brigitte Chanoine, Rectrice de l’ICHEC, insista sur le danger de l’indifférence et l’importance primordiale, pour elle, du ‘défi éducatif’.
Pour décoder ce que cette ‘crise écologique intégrale’ signifie, la confrontation réelle avec ce phénomène est indispensable : un des piliers de « Louvain et Coopération » est d’immerger les jeunes, quelques semaines, dans un projet coopératif dans un pays du Sud. Ils en reviennent ‘transformés’, affirme-t-elle, car cette expérience leur fournit la ‘connaissance de Soi’ (« Qui suis-je ? », « Comment j’évolue ? ») et l’apprentissage, dans le respect, de ‘l’Autre’.
Madame Chanoine voit poindre les nouveaux paradigmes dans les concepts économiques et les modèles élaboratifs associés, dans les nouvelles méthodes d’apprentissage : les jeunes sont prêts à entrer dans le changement et le veulent !
Monsieur Thomas d’Ansembourg (juriste, psychanalyste et écrivain) insista sur l’implication culturelle, soit le ‘pouvoir de transformation’ qui existe en chacun de nous, et l’impact citoyen de cette démarche.
Avec verve et large argumentation, il défend le ‘bénéfice à travailler sur soi’ pour apprendre la lucidité, dès l’enfance : sinon l’avidité, l’accaparement et la violence prennent le dessus. La solution est dans ‘l’être’ et non ‘l’avoir’ : si la ‘minorité possédante’ présente tant de difficultés à partager, n’est-ce pas à cause du vide et du manque intérieurs ?
Selon lui, l’Encyclique papale devrait être partagée avec chacun(e), et tout de suite, afin de développer ‘le meilleur de Soi au service de tous’.
Le Professeur Monsieur Jean-Pascal van Ypersele (précédent vice-président du GIEC : 2008>2015), avec sa ferveur habituelle, affirma combien les rapports du GIEC rejoignent l’Encyclique du Pape François. Si, pour lui, le ‘diagnostic’ paraît identique (menace climatique mais aussi : le risque évident de dégradation sociale et d’augmentation des inégalités), l’Encyclique fait bien plus : elle propose un jugement de valeurs.
Monsieur van Ypersele invite donc les lecteurs à s’asseoir pour discuter et échanger autour de ce texte mémorable. Car « nous avons tous une part de responsabilités », même si (heureusement !) beaucoup d’entreprises bougent, ainsi que les établissements d’enseignement.
Cette soirée est pour lui : « un point de départ, pour l’objectif lointain et ambitieux de 0% d’émission de CO2 à partir de 2050 ». Il faudra du courage… mais l’effet le plus important de l’Encyclique est de ‘fournir’ ce courage ! Pour lui, les jeunes (de notre époque) veulent ce changement et ils l’apporteront.
Monsieur Carl Van Doorne reprit brièvement le micro pour clôturer cette riche soirée, en affirmant « Le Pape François nous presse : osons ensemble l’écologie intégrale ».
Il y ajouta 3 pistes ‘imminentes’ : visionner le film « Demain », actuellement sur les écrans ; lire et relire l’Encyclique ; surtout : ‘faire alliance’ !
La sortie de l’auditoire fut paisible, quasi ‘processionnelle’… d’aucuns achetèrent l’Encyclique (près de 60 exemplaires ont été vendus), tandis que d’autres proposaient leur livre à la dédicace de Monseigneur Sorondo (*).
Les stands exposés par les partenaires de l’événement, entre autres : ISP/UCL, Maison du Développement Durable, GRICE, Centre ‘avec’, Terre-en-Vue, Entraide & Fraternité, …, ainsi que le bar OXFAM, retinrent encore quelque temps les participant(e)s à la sortie de la salle de conférence. Comme si nous en étions ressortis grandis, ‘ennoblis’, plus conscients de notre responsabilité et soutenus, à présent, par l’enthousiasme de l’Encyclique.
(*) Monseigneur Sanchez Sorondo est présenté comme ‘un Messager du Pape François qui, aux quatre coins du monde, porte le message de l’encyclique « Laudato Si », afin de créer un nouveau dialogue – mobilisant croyants et non-croyants – pour davantage « prendre soin de La Terre, notre maison commune et de chacun de ceux qui l’habitent ».